« Trad wives » : une simple trend ou un pas en arrière pour le féminisme ?
- Carla Davailleau
- 29 sept.
- 4 min de lecture
On connaît ces dernières années un essor fulgurant de contenus dit « Trad wives », en français « épouses traditionnelles ». Un contenu à l’origine très américain mais qui a su se faire sa place en France : des vidéos Tiktok dans lesquelles des influenceuses se mettent en scène parfaitement habillées, coiffées, maquillées en prônant le retour de la femme au foyer, cuisinant pour son mari et s’occupant des enfants.

Une invention marketing ?
L’image et la promotion de la « ménagère idéale » ne datent pas d’hier. Effectivement, ce que font aujourd’hui certaines influenceuses comme Estee Williams ou Nara Smith se faisait déjà dans les années 20 avec Betty Crocker ou, plus connue, Françoise Bernard.
Et si l’épouse traditionnelle n’était en fait qu’une invention marketing ?
Betty Crocker, Betty Bossi, Françoise Bernard : ces icônes du modèle patriarcal historique n’ont en fait jamais existées. Elles sont de pures inventions marketing, créées dans le but de vanter les utilisation de certains produits de cuisine et ménagers !
Elles ont permis de vendre des millions de livres de recettes et surtout, d’entretenir l’image de la bonne ménagère, dévouée à son mariage, son foyer et sa famille.
Pourquoi un tel succès aujourd’hui ?
Néanmoins, les années 20 commencent à se faire un peu lointaines... Alors pourquoi le mouvement « Trad wives » connaît un tel essor au 21ème siècle ?
Les premières femmes se revendiquant comme « Trad wives modernes » apparaissent en Angleterre puis aux États-Unis avant de s’étendre en Allemagne et même en France. Le mouvement a connu une croissance significative en 2016 lors de la première campagne présidentielle de Donald Trump : son slogan « Make America Great Again » reprit et transformé en « Make Traditional Housewives Great Again ».
Le mouvement termine son expansion en 2020, Covid-19 et confinement conduisant la plupart des ménages à rester à la maison et favorisant la diffusion de ce mode de vie sur les réseaux sociaux.
Quelles conséquences ?
Le mouvement « Trad wives » constitue, sur le papier, un mouvement allant à l’encontre des valeurs du féminisme contemporain : cuisine, ménage et éducation des enfants, les « Trad wives » sont dédiées à leur foyer quand leur mari, lui, travaille et assure la stabilité
financière de la famille, ce qui constitue, en autre, une représentation genrée des normes. Néanmoins, le féminisme prône la liberté de la femme et donc celle de faire ses propres choix comme l’affirme Tatiana, influenceuse « Trad Wife » : « Chacun devrait
faire ce qui lui plaît et je m’y épanouis, en revanche, si cela n’est pas à l’initiative de la femme, c’est là que ça pose problème ». En d’autres termes, une véritable approche féministe du mouvement serait de l’accepter à coups de « chacun fait ce qu’il veut » !
Une critique de ce style de vie serait-il alors antiféministe ? Pas sûr.
Le problème de la mise en avant d’un tel mouvement sur les réseaux sociaux résulte plutôt de l’influence de ces femmes auprès de leur audience. Je m’explique : la plupart, si ce n’est toutes les influenceuses « Trad wifes » disposent d’un revenu grâce à la création de contenu, et par conséquent, ce sont sûrement elles qui assurent la stabilité financière de leur foyer. Elles ne dépendent donc de personne et c’est là qu’elles ne cochent pas toutes les cases des véritables « épouses traditionnelles ». En revanche, ce n’est pas le cas pour leur communauté qu’elles encouragent à adopter le même mode de vie : l’audience, elle, devrait renoncer à une indépendance financière pour ressembler à leur modèle.
Un contexte problématique
Blâmer les « Trad wives » n’est pas le but ici, le féminisme restant toujours une question de liberté de nos choix. C’est le contexte dans lequel cette trend s’inscrit qu’il faut remettre en question : les femmes travaillent dans de moins bonnes conditions que les hommes, sont moins bien payées (22% de moins que les hommes selon l’Observatoire des inégalités), sont plus exposées aux emplois précaires, et sont toujours chargées de la « double journée », 80% des tâches ménagères en France étant exécutées par des femmes.
Ainsi, malgré une minimisation des inégalités structurelles entre les hommes et les femmes et la glorification de normes genrées, le mouvement « Trad wives » traduit peut être un refus du monde du travail plus violent avec les femmes. On peut alors s’interroger sur les déterminants qui en font revenir certaines sur leurs valeurs féministes et la place des femmes dans la société.
Sources :
Konstanze Popp, 2024. Qu’est-ce que la tendance tradwife (et que faut-il en penser ?) [en ligne]. Disponible sur https://www.vogue.fr/article/tendance-tradwife-feminisme-retro-retour-arriere-reactionnaire [consulté le 27 septembre 2025]
RadioFrance, 2024. Connaissez-vous le phénomène de la Tradwife ? [en ligne]. Disponible sur https://www.radiofrance.fr/francebleu/podcasts/le-numerique-ca-s-explique/connaissez-vous-le-phenomene-de-la-tradwife-5679431 [consulté le 27 septembre 2025]
Maïté Charles, 2025. « Qui sont ces françaises qui prônent le retour des femmes au foyer comme les tradwives américaines »[en ligne]. Disponible sur https://www.ouest-france.fr/leditiondusoir/2024-10-23/qui-sont-ces-francaises-qui-pronent-le-retour-des-femmes-au-foyer-comme-les-tradwives-americaines-b61275a4-6492-4f8f-8a65-63a6bc2c6bf4 [consulté le 27 septembre 2025]


