ITER : La course mondiale pour un soleil en boîte
- Etienne Domercq
- 19 sept.
- 3 min de lecture
La Chine, les Etats-Unis, la Russie et l’Europe qui s’allient pour mettre un morceau d'étoile dans une boîte afin de produire une énergie propre, sûre et quasi illimitée. C’est le pari fou d’ITER, le projet scientifique le plus ambitieux et un des plus chers de l'histoire. Au cœur de la Provence, ce chantier titanesque est à la fois le plus grand espoir énergétique de l’humanité et un défi aux limites du possible.

La promesse : recréer l'énergie des étoiles sur Terre
Contrairement à la fission nucléaire qui casse des atomes lourds dans nos centrales actuelles, la fusion vise à unir deux noyaux d'hydrogène pour créer de l'hélium, libérant une quantité colossale d'énergie. Pour y parvenir, le réacteur expérimental d’ITER, un "tokamak"(un four magnétique), devra chauffer du plasma, à 150 millions de degrés Celsius, soit dix fois plus que la température du Soleil.
Les bénéfices attendus sont immenses : pas d’émissions de CO2, des déchets radioactifs à vie beaucoup plus courte et un combustible abondant, disponible dans l’eau de mer. Toutefois ITER n'est pas une centrale. C'est un démonstrateur conçu pour prouver la viabilité de la technologie en produisant dix fois plus d’énergie (500 MW) qu’il n’en consomme (50 MW), une étape cruciale avant d'envisager des réacteurs commerciaux.
Le mur des réalités : un chantier aux multiples défis
Mais le rêve a un coût. Estimé à 5 milliards d’euros à son lancement en 2006, le budget a explosé pour dépasser les 25 milliards. Prévu pour 2025, le premier plasma est désormais repoussé à 2035 au plus tôt. La raison ? Une complexité technique et politique inouïe.
Technique d'abord : Comme le répètent les experts du domaine, "maîtriser la fusion est bien plus complexe que d’envoyer un homme sur Mars". Chaque composant est un prototype unique au monde, poussant les matériaux à leurs limites. Fissures, défauts de soudure, corrosion : les problèmes s'accumulent.
Politique ensuite, avec un montage complexe : l'Europe finance 45 % du projet, le reste étant couvert par 34 pays qui contribuent "en nature" en fabriquant et livrant des pièces. Ce puzzle industriel mondial explique le "casse-tête logistique" et les difficultés de management, où les décisions importantes requièrent un consensus. Des accusations de "gestion par la peur" et “de management toxique” ont par ailleurs terni l'image d'une gouvernance déjà jugée lente et bureaucratique.
L'enjeu géopolitique : la clé du leadership mondial de demain
Pourtant, malgré ces vents contraires et un contexte de tensions mondiales, la collaboration perdure. La Russie, bien qu'isolée sur la scène internationale, reste un partenaire indispensable, continuant de livrer des composants critiques. Preuve que l'enjeu scientifique que représente ITER dépasse les conflits actuels.
Mais derrière la coopération se cache une compétition féroce pour la souveraineté énergétique. Alors que des membres clés comme la France et la Chine développent des compétences critiques sur leurs propres réacteurs WEST et EAST, une concurrence d'un nouveau genre émerge : celle des start-ups privées, notamment aux États-Unis, qui lèvent des milliards pour doubler le géant international avec des technologies jugées plus agiles."Malgré tout pour les grandes puissances, rester dans l’aventure ITER, même à grands frais, c'est s'assurer une place à la table de la prochaine révolution énergétique.
ITER est plus qu'un projet scientifique ; c'est un miroir des contradictions de notre époque. Il incarne l'apogée de la coopération humaine pour un avenir durable, mais aussi un test brutal de notre capacité à gérer des projets titanesques malgré les conflits.Le pari reste entier : ce soleil artificiel se lèvera-t-il à temps pour éclairer notre avenir ?
Sources :
CEA (COMMISSARIAT À L’ÉNERGIE ATOMIQUE ET AUX ÉNERGIES ALTERNATIVES), 2023. L'essentiel sur la fusion nucléaire [en ligne]. Disponible sur : https://www.cea.fr/comprendre/Pages/energies/nucleaire/essentiel-sur-la-fusion-nucleaire.aspx [consulté le 08 septembre 2025].
ITER ORGANIZATION. En quelques mots [en ligne]. Disponible sur : https://www.iter.org/fr/en-quelques-mots [consulté le 08 septembre 2025].


